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Entretien avec ... Alain Coache, Chercheur en entomologie spécialisé dans l'Afrique de l'Ouest

Bienvenue dans notre rubrique "Entretien avec ..." qui complète les pages d'un carnet de voyage, dont l'ambition est l'immersion de notre auditoire dans les coulisses de Microland et celui du monde du vivant.


Alain Coache a consacré sa vie à l’entomologie, développant une fascination pour les insectes de l'Afrique de l'Ouest. Spécialisé dans les Coléoptères et les rhopalocères de cette région, il est devenu un maillon essentiel à la contribution de la connaissance de ces espèces.


Ses voyages et recherches lui ont permis de réaliser un ouvrage intitulé

« Atlas illustré des rhopalocères du Bénin », publié par le Centre d’Etudes et de Recherches Entomologiques Béninois, Université d’Abomey-Calavi. Co-écrit avec Bernard Rainon et Antonio Sinzogan, ce magnifique atlas spécialisé dans les rhopalocères du Benin leur a valu le Prix Constant en 2017.


Ce qui me passionne dans ce métier est, pour commencer, la préparation des expéditions, la recherche bibliographique et enfin le départ des expéditions et l’aventure qui s’ensuit.

Nous avons eu la chance de réaliser un entretien avec lui, que nous sommes ravis de partager aujourd'hui avec vous. Alain apporte un soutien immense à notre organisation de part son savoir et son désir de transmettre. Avec nous, il tire la sonnette d'alarme sur les conséquences du changement climatique.


Alain Coache dans la forêt innondée de Lokoli, Bénin

Microland : Alain, vous êtes Chercheur en entomologie, votre expérience se fondant sur la recherche d’études entomologiques sur le terrain, principalement en Afrique de l'Ouest. Racontez-nous votre parcours et comment s’est déroulé le début de votre collaboration avec Microland ?

Alain Coache : Bonjour, en effet l’entomologie est ma grande passion, étant entièrement autodidacte. Je fais mes recherches en Afrique de l’Ouest depuis maintenant plus de 20 ans. J’ai étudié la faune du Sénégal durant presque une décennie, où j’y ai découvert de nombreuses nouvelles espèces, ainsi que de nombreuses espèces citées pour la première fois au Sénégal ou même en Afrique de l’Ouest. Ensuite durant quelques mois, j’ai prospecté dans la plupart des pays de la sous-région (les pays ouverts, car le climat politique est tellement sensible dans certains secteurs que certains pays ne peuvent être prospectés). Puis, durant plus de 10 ans, j’ai prospecté au Bénin où là, pareil, aucunes études sérieuses n’avaient été entreprises car sois disant dans le « Dahomey Gap », le Couloir du Dahomey, couloir qui sépare les deux grands blocs forestier d’Afrique, il n’y a presque rien à trouver car pas de grandes forêts…. Et pourtant… Nous y avons, avec mon collaborateur sur le terrain, découvert de nombreuses espèces nouvelles, nous y avons décrit de nombreuses espèces de coléoptères, quelques espèces de papillons et également des libellules, des Ascalaphes, des fourmis-lions, etc. Nous y avons même publié un livre sur les papillons de ce petit pays où y figure plus de

3 200 photos….


Extrait de l'Atlas illustré des rhopalocères du Bénin

J’ai connu l’association Microland, il y a deux ans lors de l’organisation pour la première expédition à São Tomé où je devais faire partie des chercheurs pour cette première sortie, mais c’était déjà trop tard, il n’y avait plus de place dans l’avion… Je suis donc resté au Bénin pour mes études en cours. Pour la deuxième expédition où là aussi, je devais faire parti des scientifiques embarqués pour l’aventure, mais je n’étais alors pas disponible, étant déjà en expédition au Bénin, où il reste encore tant à faire… Normalement, je serai en mesure de faire partie de la troisième expédition à venir à São Tomé….


Qu’est-ce qui vous passionne dans votre métier et pourquoi vous êtes vous spécialisés dans les Coléoptères et les rhopalocères d’Afrique de l’Ouest ?

Ce qui me passionne dans ce métier est, pour commencer, la préparation des expéditions, la recherche bibliographique et enfin le départ des expéditions et l’aventure qui s’ensuit. En effet, il y a toujours des aléas lors de toutes ces sorties sur le terrain, certaines sont pour le moins désagréables et d’autres comme le côté humain, la rencontre avec les peuples autochtones sont des moments inoubliables et marquent à vie certaines rencontres.


Pourquoi l’étude des insectes dans le milieu équatorial et tropical ? Pourquoi les coléoptères, les papillons, mais aussi de nombreux autres groupes ? Et bien, c’est simple. J’essaye de découvrir un maximum de choses avant qu’il n’y ai plus rien sur cette terre. C’est bien malheureux, car les forêts se rétrécissent comme peau de chagrin, disparaissent à une vitesse proche de la vitesse de la lumière, il faut le voir pour le croire. C’est triste, car de nombreuses espèces disparaissent avant même qu’elles ne soient découvertes. C’est dramatique à l’échelle de la science, mais également pour l’humanité. J’essaye à mon petit niveau et avec les autorités compétentes là où je travaille, de tirer la sonnette d’alarme, mais en vain car la pression démographique dans ces pays est si forte que rien ne peut arrêter cette déforestation galopante.


Pas plus tard qu’il y a 4 ans, nous avions prospectés plus particulièrement une petite forêt dans le sud du Bénin, d’une surface d’à peine une dizaine d’hectares où nous y avons découvert près de 80 % de la faune des papillons de ce pays, mais également découverts plusieurs espèces nouvelles de coléoptères. Nous avons signalé la richesse exceptionnelle de ce petit coin de paradis, mais depuis la forêt est devenue un champ de maïs…

J’essaye de faire prendre conscience de cette valeur patrimoniale exceptionnelle, mais ce n’est pas facile. Et comme on ne peut protéger que ce que l’on connaît, il faut donc prospecter au plus vite le maximum de forêts avant qu’il ne soit trop tard. Pas plus tard qu’il y a 4 ans, nous avions prospectés plus particulièrement une petite forêt dans le sud du Bénin, d’une surface d’à peine une dizaine d’hectares où nous y avons découvert près de 80 % de la faune des papillons de ce pays, mais également découverts plusieurs espèces nouvelles de coléoptères. Nous avons signalé la richesse exceptionnelle de ce petit coin de paradis, mais depuis la forêt est devenue un champ de maïs… Tous les arbres géants ont été abattus, plus aucune faune ne s’y trouve… Voilà pourquoi on se bat et que l’on essaye de sauver le maximum d’espèces, d’où l’intérêt de faire les inventaires…


Alain Coache, dans le Parc du Conkouati, Congo

Dans un contexte où les problématiques liées au changement climatique sont des enjeux primordiaux, quelles sont les priorités environnementales en tant qu’entomologiste que vous souhaiteriez voir transparaître dans notre société ?

Pas facile de répondre à cette question, car le changement climatique dans la région intertropicale est si rapide, si surprenant, qu’il faut agir à la vitesse de l’éclair. Nos deux dernières expéditions, c’est-à-dire les mois d’octobre, novembre, décembre 2019 et février 2020 puisque nous avons dû rentrer pour le confinement, ont vraiment été particulières. La première, fin 2019 a été particulièrement humide, de la pluie hors saison à n’en plus finir et à l’inverse début 2020 est exceptionnellement sec. Donc le résultat sur la faune est complètement décalé. Nous y avons rencontrés très peu de papillons, pratiquement pas de coléoptères alors que les années dites «normales», lors de nos prospections de nuit à la lumière, la toile est noire d’insectes en tout genre!


Que va devenir la faune et va-t-elle pouvoir s’adapter? C’est à ce niveau-là que la communauté scientifique s’inquiète et c’est là qu’il est urgent d’étudier le peu qui reste afin de faire découvrir au plus grand nombre cette richesse spécifique. C’est leur richesse patrimoniale qu’il faut mettre en valeur et faire protéger, c’est plus qu’urgent.



Atlas illustré des rhopalocères du Bénin


En rapport avec votre collaboration avec Microland, quels sont les enjeux de São Tomé et Príncipe que vous avez analysé et quelles sont les actions que vous avez entreprises en tant qu’entomologiste ?

Les enjeux sur l’archipel de São Tomé et Príncipe sont les mêmes qu’en Afrique de l’Ouest. La pression démographique impacte directement les forêts primaires et secondaires, les faisant disparaître. L’utilisation de la matière première pour faire la cuisine (bois de chauffe), les cultures (agrandissement des parcelles) pour nourrir tout ce monde, etc. Je le répète, il est urgent de savoir quoi protéger. Il faut donc étudier sur place et faire un maximum d’inventaires pour faire comprendre que cette richesse exceptionnelle et endémique, peut être un atout si elle est valorisée à sa juste valeur, tant au niveau touristique que scientifique.


La suite : avez-vous un événement majeur qui marquera l'année 2020, en relation avec votre métier et/ou notre association ?

Un événement majeur qui marquera l’année 2020, et bien je crois qu’il est en cours, il s’appelle « covid 19 »… Il est un signal fort de la planète pour mettre en garde la surexploitation dans tous les domaines possibles. Notre planète essaye de faire comprendre qu’elle est à saturation et qu’il est urgent de changer de comportement… J’espère que nos dirigeants vont en tenir comptent dans les mois à venir, il en va de notre avenir à tous.


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