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Entretien avec ... Jean-Baptiste Deffontaines, gestionnaire du projet pays pour BirdLife.

Dernière mise à jour : 20 avr. 2020

Bienvenue dans notre rubrique "Entretien avec ..." qui complète les pages d'un carnet de voyage, dont l'ambition est l'immersion de notre auditoire dans les coulisses de Microland et celui du monde du vivant.


Jean-Baptiste est passionné par la protection de la biodiversité depuis l'enfance. Il travaille désormais pour BirdLife International sur São Tomé-et-Príncipe en tant que gestionnaire du projet pays. Pour Microland, il symbolise le début d'une collaboration extraordinaire, qui offre la promesse d'établir des solutions environnementales pour la préservation de la biodiversité locale.


Dans cet entretien, Jean-Baptiste nous raconte l'importance de la protection environnementale à travers des partenariats majeurs entre ONG, les communautés locales et autres organisations gouvernementales.


Microland apporte une expertise scientifique et des idées, nous permettant d’appliquer le principe du ‘think out of the box’. BirdLife apporte un appui institutionnel, de suivi national, appui à la une mise en œuvre concrète des activités sur le terrain ; la traduction des idées en actions !


Microland : Racontez-nous en quelques lignes, votre histoire en relation avec l’ONG Microland. Comment s’est déroulé le début de votre collaboration ?

Jean-Baptiste Deffontaines : Depuis une quinzaine d’années, BirdLife s’emploie pour la conservation de la nature et le développement durable de São Tomé-et-Príncipe, un archipel considéré comme priorité d’action pour une ONG qui considère les oiseaux comme une porte d’entrée vers la protection de l’environnement. L’avifaune étant particulièrement riche à São Tomé-et-Príncipe, le lien est évident. En 2018, BirdLife a décidé d’ouvrir un bureau à São Tomé – considérant l’importance de l’accompagnement au développement pour la nature et les hommes, sur ces îles volcaniques où la vie est portée par la nature et les services qu’elle offre.


Épaulé par appui financier de l’Union Européenne (ECOFAC6), BirdLife renforce sa présence de manière croissante, et change l’échelle de ses interventions, apportant un appui continu aux autorités, à la société civile, aux communautés rurales.


Lorsque Microland a montré son intérêt pour ce que j’appellerai les Galápagos de l’Afrique, Jean-Pierre Bensaïd, consul honoraire de São Tomé-et-Príncipe à Marseille, a logiquement fait le lien et nous a mis en contact. Dès nos premiers échanges, le feeling est tout de suite passé et nous avons vu une grande opportunité dans une collaboration forte. Microland apportant une expertise scientifique, des idées, nous permettant d’appliquer le principe du ‘think out of the box’, et BirdLife un appui institutionnel, de suivi national, appui à la une mise en œuvre concrète des activités sur le terrain ; la traduction des idées en actions !


Quel est votre rôle à BirdLife International et quelles sont vos missions ainsi que vos objectifs en rapport avec la collaboration BirdLife International - Microland ?

Je suis gestionnaire du projet pays pour BirdLife, en charge de la mise en œuvres des projets. Nous avons une approche d’intégration environnementale à l’échelle du paysage. BirdLife a signé avec l’état Santoméen un accord de co-gestion des Parcs, le Parc Naturel Obô de São Tomé et le Parc Naturel de Príncipe, dans le cadre du projet ECOFAC6 ; c’est notre point d’entrée.

Les parcs sont des zones plus élevées, reliquats de forêts natives et de forêts secondaires préservées.


Les autorités n’ont pas les moyens de protéger les aires protégées, de contrôler l’accès lié au tourisme, à l’extraction de produits forestiers, la chasse ou l’abattage de bois pour la construction ou la production de charbon.

Le parc de São Tomé couvre aussi la zone nord de savane, un écosystème anthropisé lors de la première colonisation de l’île, au début du XVIe siècle, plantation principalement de cannes à sucre ; puis abandonnée et donnant aujourd’hui un écosystème naturalisé et particulièrement important dans l’équilibre de l’île. Le parc de São Tomé couvre également la mangrove de Malanza, une zone de transition écologique, particulièrement vulnérable aux changements climatiques et à l’aménagement sauvage du territoire. Les autorités n’ont pas les moyens de protéger les aires protégées, de contrôler l’accès lié au tourisme, à l’extraction de produits forestiers, la chasse ou l’abattage de bois pour la construction ou la production de charbon.



La reconnaissance et protection effective des forêts de haute valeur de conservation sont un exemple des actions que nous menons ; notamment dans les forêts de basse altitude, riches mais menacées. Ces forêts sont particulièrement sensibles à l’action de l’Homme, alors qu’elles regorgent pourtant d’espèces endémiques et d’écosystèmes uniques.

L’initiative que je porte pour BirdLife, promeut un appui continu aux aires protégées, à la biodiversité et à la gestion durable des forêts. En appui direct aux institutions de l’état, qui, même si conscient de l’importance du capital naturel du pays, tremplin pour le développement, doivent faire face aux défis du développement à tous prix. Une chose est sûre, São Tomé-et-Príncipe bénéficie d’une richesse exceptionnelle : la protéger, c’est protéger le futur des îles et des gens qui y vivent. La reconnaissance et protection effective des forêts de haute valeur de conservation sont un exemple des actions que nous menons ; notamment dans les forêts de basse altitude, riches mais menacées. Ces forêts sont particulièrement sensibles à l’action de l’Homme, alors qu’elles regorgent pourtant d’espèces endémiques et d’écosystèmes uniques.

Travailler pour la nature, c’est travailler avec les hommes. En offrant des opportunités économiques, des alternatives à l’utilisation des ressources naturelles aux communautés rurales, en assurant un accompagnement et une sensibilisation permanente. Les communautés sont les acteurs principaux de la gestion de l’environnement et doivent avoir leur mot à dire quant à la gestion de la forêt et des ressources.

Cela passe par des décisions qui informent les populations locales, régionales et internationales, et les pouvoirs en place ; permettant d’intégrer la biodiversité, les écosystèmes dans ces politiques, de la loi à l’action ; dans l’aménagement du territoire, et l’urbanisme ; dans l’agriculture… L’intervention de Microland est, dans ce cadre, cruciale !

Je vois d’immenses opportunités dans notre collaboration. Un exemple ? Les découvertes exceptionnelles de Microland quant à la richesse entomologique de l’île me font rêver. Je rêve de proposer la lutte biologique, par des insectes endémiques de São Tomé pour des productions comme le cacao, le café ; plus de valeur ajoutée pour les petits producteurs, des pratiques propres et responsables. Avec des effets inespérés sur la qualité de l’eau, par la non-utilisation de produits phytosanitaires et la création d’emplois, pour l’élevage. Une nouvelle filière. Le nec plus ultra de l’intégration environnementale en agriculture, avec des résultats forts pour la santé humaine, le bien-être et la biodiversité.


Orthoptère pris par Cédric Cauquil pour Microland
Orthoptère pris par Cédric Cauquil pour Microland

Quels sont les enjeux des parcs naturels et les opportunités pour préserver cet archipel de biodiversité ?

Une question très ouverte – pour d’immenses enjeux. Pour atteindre des résultats, il nous faut prioriser ; avoir un angle d’attaque car le sujet est tellement vaste. Certaines problématiques sont particulièrement importantes et nécessitent une intervention urgente : la coupe de bois par exemple, l’aménagement du territoire, la chasse. Mais je soutiens que le plus grand enjeu est la durabilité. La durabilité financière, mais aussi la durabilité humaine.

Avec l’équipe, et ce, dès l’année prochaine, nous étudierons les services écosystémiques et mobiliserons de l’expertise pour développer des plans de finance pour la biodiversité et les aires protégées à Sao Tomé et Principe. Des crédits carbone, tourisme, fonds fiduciaires de conservation ; ces plans nous orienteront vers une politique de durabilité financière pour l’environnement. C’est ambitieux mais réaliste.

Cependant, assurer les financements n’est pas une finalité en soi. Il nous faut nous assurer d’une relève nationale, former une génération de, permettez-moi l’anglicisme, « conversationnistes ». Accompagner les ONG de protection de l’environnement, et les former pour la gestion de projets et la connaissance de la biodiversité.

BirdLife est en fait un partenariat d’ONG environnementales – une par pays ou territoire. Dans le monde, le partenariat est composé de plus de 115 ONG. Les partenaires de BirdLife travaillent ensemble d'une manière collaborative et coordonnée au-delà des frontières nationales pour créer un partenariat mondial d'organisations nationales de conservation. La plupart des partenaires sont mieux connus en dehors du Partenariat par le nom de leur organisation. Cela permet à chacun de conserver son identité nationale individuelle au sein du Partenariat mondial.


Nous n’avons pas encore de partenaire à São Tomé-et-Príncipe, raison pour laquelle nous avons un bureau. C’est notre objectif même que de passer le flambeau d’ici quelques années, et pour cela, un mot d’ordre : renforcement des capacités.


Les découvertes exceptionnelles de Microland quant à la richesse entomologique de l’île me font rêver.

Qu’est-ce qui vous fascine dans votre métier ?

J’ai la chance de concrétiser un rêve – plus qu’un métier, une véritable vocation. En quelques mots, et pour remettre ça dans le contexte, j’ai toujours su que j’en arriverai là. Petit, je collectionnais les revues dactylographiées du WWF… Je rêvais déjà de participer, sur le terrain, à la conservation de la biodiversité.

En 2012, je suis arrivé au Mozambique pour travailler dans le Parc National de Gilé. Je suis resté 6 ans au Mozambique. Une aventure mémorable, au cours de laquelle j’ai rencontré des gens exceptionnels et ai accumulé une expérience extraordinaire, au sens littéral du terme . On en apprend tous les jours, c’est d’autant plus vrai en brousse. J’ai eu l’occasion de passer par plusieurs aires protégées, où, avec l’état, les communautés locales, les ONG nationales et internationales, je pense, sans prétention, avoir participé aux efforts de conservation de la nature, de la forêt, de la grande faune ; lions, éléphants, lycaons…


C’est en 2018 que j’ai décidé, et ce fut une étape personnelle importante, de rejoindre BirdLife pour lancer le bureau projet de São Tomé-et-Príncipe. Je suis donc passé de l’immensité des forêts Miombo du Nyassa vers les 1000 km2 de l’archipel. Des milieux très différents. Il a fallu s’adapter – pas évident au début, tout était différent. J’ai commencé à me passionner pour ces îles, quand, dans le cadre de nos activités ou sur mes temps libres, j’ai pu parcourir ses chemins de randonnées, découvrir les mille secrets de São Tomé-et-Príncipe. J’ai sympathisé très rapidement avec des éco-guides de profession avec lesquels nous partons souvent en brousse – toujours à la recherche d’un monument naturel ou d’une découverte.


À BirdLife International, j’ai pour mission de garantir la continuité et la logique de son approche. Une étape supplémentaire dans ma carrière professionnelle, qui porte déjà ses fruits, avec une reconnaissance croissante de BirdLife à São Tomé-et-Príncipe comme un partenaire incontournable sur les questions de biodiversité.

Ce n’est pas toujours facile – c’est même la plupart du temps ce que je comparerais à un sport extrême, ou d’endurance. Il ne faut pas s’essouffler ; continuer à croire en soi, et en ses idéaux.



La suite. Avez-vous un événement majeur qui marquera l'année 2020, en relation avec la protection de la biodiversité de São Tomé-et-Príncipe ?

Plusieurs projets seront lancés en 2020. Un projet d’état, par exemple, financé par le Fond pour l’Environnement Mondial, dans lequel BirdLife sera partie responsable pour garantir l’intégration de la biodiversité et la transparence. Ces projets permettront d’amplifier notre action, de recruter de nouveaux techniciens, les futurs leaders de la conservation.

Nous rentrons en 2020 dans une nouvelle dynamique, l’objectif étant de promouvoir notre vision pour une appropriation nationale. Ce rôle central est à la fois une opportunité, pour assurer plus d’intégration quant aux questions associées à la conservation de la nature et au développement durable, mais c’est aussi un challenge. Il nous faut assurer les ressources et capacités nécessaires aux attentes que l’on génère…

Nous avons maintenant les outils nécessaires pour sortir de l’approche ‘projets’, et définir une réelle stratégie programmatique. Nous travaillons sur la stratégie en ce moment même et ce sera l’un des premiers produits de 2020.

Évidemment, nos ambitions sont trop larges pour notre petite équipe ; il nous faut des alliés à Sao Tomé, à Principe, mais aussi à l’international. La collaboration et la coopération avec Microland font partie intégrante de cette approche stratégique !

De nombreuses autres actions sont prévues pour 2020, dans la continuité et complémentarité de ce sur quoi nous travaillons quotidiennement. La rénovation et construction d’infrastructures, pour la gestion et le tourisme, ou la réhabilitation des chemins de randonnées. Le lancement d’une campagne de communication. Les appuis directs aux communautés pour le développement de micro-entreprises. La mise à jour des plans de gestion des parcs ; document crucial d’orientation des actions de gestion terrain que nous appuierons dans la foulée. La participation des ONG locales et organisations communautaires, la formation. La recherche, le suivi et la surveillance. Sans oublier une action continue et importante ; accroître, de manière ambitieuse, la collaboration et coopération avec Microland !


En apprendre plus sur Jean-Baptiste Deffontaines :


Parc Naturel d'Obô :

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