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Louise Filippi, Réalisatrice et Documentariste, que nous vous avions présenté dans notre rubrique "Entretien avec ..." (que vous pouvez relire ici), partage avec nous un pur moment de poésie.
Ayant eu l'occasion unique de partir avec l'équipe d'entomologistes et autres experts naturalistes de Microland pour la première expédition scientifique (février 2019), elle a pu assister à de nombreux moments marquants. Mais l'instant qu'elle nous narre, est probablement l'événement le plus majestueux de son voyage : celui d'assister à la naissance de la vie.
L'œil brillant de la tortue s’animait au fur et à mesure de ses efforts, marquant parfois des pauses pour reprendre son énergie. Des murmures d’émerveillement et le son des vagues perçaient le silence et l’on pouvait aussi entendre les battements des nageoires contre le sable.
"Durant les derniers jours de l’expédition l’équipe (ndlr : février 2019) s’est séparée en deux groupes, les entomologistes restaient dans la jungle à Bom Sucesso tandis que je rejoignais les botanistes Rémy et Hélène et Benjamin, l’ornithologue, en direction de la praia Jalé, une plage sauvage située sur la pointe de l’île. Un centre d’observation de tortues marines a été mis en place dans le cadre du Programa Tatô, instauré par l’ONG Marapa qui lutte pour la protection des habitats marins et côtiers du territoire, cogérant également les ressources halieutiques et apportant un soutien aux acteurs de la filière pêche.
Ce programme consiste à accompagner la ponte des femelles tortues de septembre à avril, à suivre l’incubation des nids jusqu’à l’éclosion et à informer le public sur la conservation de ces espèces menacées. Pour cela, des outils de marquage et de suivi sont mis en place afin de récolter les données biologiques et biométriques nécessaires à leur protection. Des séances nocturnes d’observation encadrées en petits groupes étaient donc organisées pour assister à une éventuelle ponte de tortue.
Nous avions installé nos tentes sur la plage dans l’après-midi et dès la nuit tombée, nous attendions le signal. Vers minuit, une éco-guide vient à notre rencontre et nous indique qu’une tortue imbriquée (Eretmochelys imbricata) est en train de pondre, me donnant l’autorisation de filmer. Il était primordial de rester silencieux et de n’émettre aucune source de lumière blanche. Une distance de quelques mètres était aussi à respecter afin de ne pas perturber la femelle. J’avais donc couvert l’écran de ma caméra et je tentais de cadrer tant bien que mal dans l’obscurité, avec un objectif à focale fixe et à grande ouverture.
L’éco-guide avait marqué le lieu d’un bâton afin de pouvoir protéger la zone au lever du jour. Éclairée d’une faible lueur rouge, la tortue tapissait son nid de sable après avoir déjà pondu plusieurs œufs. Ce rouge, conservé à l’étalonnage (avec Mila Olivier, étalonneuse d'Atento) donnait une dimension fantastique à la scène où les contours des nageoires et sa carapace, se fondaient dans le noir, faisant surgir par moments des formes abstraites et mouvantes. L'œil brillant de la tortue s’animait au fur et à mesure de ses efforts, marquant parfois des pauses pour reprendre son énergie.
Des murmures d’émerveillement et le son des vagues perçaient le silence et l’on pouvait aussi entendre les battements des nageoires contre le sable. Hugo Lioret, le compositeur du film, a imaginé une ambiance sonore discrète et minimaliste pour justement laisser de l'espace aux sons directs tout en ponctuant de façon plus organique les événements. Cela a duré une bonne heure avant qu’elle ne se glisse jusqu’au rivage pour regagner la mer…
Durant tout le voyage à São Tomé, j'avais été partagée entre filmer ces phénomènes naturels saisissants pour en faire ce documentaire, et laisser libre cours à mon regard pour n’en garder que de vifs souvenirs. Finalement, cet épisode rare qui m’a personnellement émue, a pu conjuguer les deux, et le fait de cadrer cette scène « à l’aveugle » et presque sans repères m’a permis d’oublier cet interface technique pendant un bref instant, tout en sachant que j’allais pouvoir le retransmettre plus tard et y revenir."
Nous espérons que ce témoignage vous a touché et vous en a appris plus sur la conservation de la biodiversité unique de cet archipel. Si vous avez des questions sur cet article ou sur notre association, envoyez-nous un e-mail : assomicroland@gmail.com
Pour aller plus loin : Site de l'ONG :
Pour en savoir plus sur le Programa Tatô :
Louise Filippi :
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